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DES ALLEGATIONS IRRATIONNELLES DE HEGEL SUR L'AFRIQUE : OUTRAGE DE LA PHILOSOPHIE. Propos introductif.

Par le Shemsu Maât Biyogo, fondateur de l'Instiut Cheikh Anta Diop, et du Per Ankh de la Renaissance. Philosophe, philologue, égyptologue et politologue.

La première exigence, celle que l'on doit à la philosophie elle-même, puisqu'il s'agit d'un corps-à-corps technique et méticuleux avec l'un des plus grands philosophes d'Occident, c'est de clarifier au mieux les termes, les enjeux et les points d'ombre au sujet la pensée de Hegel dans la façon dont ellea traité l'Afrique et les Noirs, en usant d'essentialisme, de racourcis prosaïques, de supputations grotesques.
 

Cette interrogation, pour rigoureuse qu'elle se propose d'être, ne va pas au demeurant sans difficultés. D'abord en cela que ce procès intenté à juste titre contre Hegel du fait de ses propres affirmations dans des ouvrages publiés - et pas seulement dans la Raison dans l'histoire - n'est pas nécessairement de nature philosophique, tout au moins dans sa formulation juridicatoire et historienne, au sens où la question de savoir si le penseur de Iéna est raciste ou pas ne permet pas de disqualifier ontologiquement le contenu philosophique de son oeuvre.

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En revannche, que ce procès ne soit pas a priori philosophique, n'exclut ni sa légitimité (la nécessité et l'urgence de l'enquête), ni sa pertinence (l'importance qu'il y a à statuer sur des affirmations dont la gravité serait de nature à jeter l'opprobre sur la dimension pratique désastreuse de sa pensée, et sur la capacité que cette pensée, en ses propositions les plus ultimes, les plus absolues, soit proprement contredictoire).

Dès lors, ce ne serait plus seulement un procès extra-philosophique, car si des paralogismes venaient à être établis, et des contradictions à être localisées, si des déficits flagrants et des réfutations plausibles au niveau de l'argumentation, de la documentation et des déductions venaient à être constatées, si l'ignorance devait être démontrée au sujet de l'Afrique et de ses habitants sur lesquels disserte le penseur allemand, ce serait l'édifice philosophique lui-même qui viendrait à prendre un coup fatal, à s'effondrer, en vertu des syllogisme faux, de la dogmaticité de réflexion spéculative, de la fausseté de la documentation, des informations, et somme toute, de la supercherie de la pensée, une pensée qui serait dès lors instrumentalisée, au service des puissances de la servitude, de la Déraison, de la force sauvage, de la philosophie de la puissance et non plus la puissance du philosopher...

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Et cela, d'autant plus que, l'hégélianisme prétend dire l'Universel au nom de la Raison pure comme de la raison pratique, du Droit positif et du droit institutionnalisé (en posant l'Etat comme le mode absolu de la parousie de Raison elle-même), de l'Art portant en lui l'Absolu, du politique et de la fin de l'Histoire (figure de l'épuisement de la Raison), de l'Esprit, lequel est ici système absolu, Concept pur, élevé au-rang de la transparence ulltime de la connaissabilité, au rang donc de du Cercle, de Dieu, contre toute forme de faillibilillité, d'incomplétude, d'incertitude même : l'hégélianisme ignore comme

le XIX ème siècle qui le voit naître ignore tout de la vertu de l'erreur, de la différence de l'altérité, de de la puissance de la posture de l'ouvert, de l'indifférencié, auxquels il préfère la réconcialiation dialectique des opposés, tant fustigée par Nietzsche et plus tard par les philosophes de la différence.

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Ainsi donc, envoyer Hegel au tribunal de l'Histoire n'abaisse en rien la vigilance de l'entreprise philosophique, au contraire, est une invitation à l'activer, à qualifier et à statuer la gravité des accusations qui pèsent sur lui, lorsque celles-ci devaient être avérées, attestées.

lIl en a été ainsi au sujet du procès philosophique du XXème siècle à propos de Heidegger et de son adoubement philosophique et institutionnel du nazisme comme de son pendant idéologique l'antisémitisme, moins vérifié, mais non moins imputé, engagement nazi en vertu duquel son ancien Maître Husserl rompt avec lui....

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Se poserait donc la question de la responsabilité philosophique de Hegel dans la justification la plus immonde, mais la plus sordide du colonialisme, avec sa face irrationnelle : la négrophobie et ses préjugés tenaces, en alléguant que les Noirs sont rétifs au devenir historique, étrangers à la Raison, laquelle s'absolutise en Etat qu'ils n'auraient pas, se suystématise en Dieu qu'ils ne connaîtraient pas, pas plus qu'ils ne seraient capables d'historicité, d'Histoire.

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En cela, il ne serait pas question, d'où que l'on parlerait, si du moins on présume avec Hegel que l'Histoire est autant le produit de la Raison que de son jouet, qu'il fait figurer comme sa suprême Ruse, si l'on admet que cette même Raison, a produit la Nubie nègre, le Royaume de Koush, l'Egypte des Medu Netjer et des Faras, et donc l'Atona duquel procèderont Adonaï, Ioussa et Allah, les Empires africains et leurs Universités, de chercher un tant soit peu à le dédouanner, à le sauver de la lourde accusation qui pèserait sur sa pensée comme naguère sur celles des philosophes du XVIIIème siècle qui ont défendu le principe de l'universalité de la Raison et l'égalité ontologique des êtres humains, en ne se privant point chacun, dans le même temps, de son Esclave !

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Il s'agit donc de questionner cette immense question avec la froideur du Concept, en évacuant toute perspective psychologisante et subjective. Mais de statuer philosophiquement sur la nature barbare des allégations d'une philosophie supposée avoir galvanisé tout l'homme de l'emprise de la Nature et donc de toute Barbarie en le posant comme devenir Historique contre tout immobilisme éternitaire, lequel échoit aux seules bêtes, à la seule sous-humanité. Là aussi, le XIXème siècle qui pense l'histoire en termes d'événementialisme et d'évolutonnisme ne souppçonne pas encore comme la Nouvelle Histoire, l'historicité des monades, des objets microscopiques, des bêtes, des plantes, des objets inanimés...

J'ai pris le parti méthodologique de ne point encore me prononcer dans ce propos préliminaire, mais de m'attacher expressément ici à pointer et à défricher le cadre serré de la discussion à laquelle nous invitons, sans, je l'espère, position dogmatique ni incommodités dans les échanges. NOUS

SOUHAITONS LA CONTROVERSE SANS COMPLAISANCE NI HAINE. Mais avec la plus grande fermeté logique, démonstrative, et donc philosophique.

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La gravité de la question traitée vient de ce que ceux qui sont supposés être les dépositaires du raisonnement logique et de l'intérêt qu'il y a chez tous les êtres humains et les Etats à vivre et à échanger selon la Raison et aspirer au Bien, à la vérité, à la justice (les philosophes) soient pris en flagrant délit de conspitation contre cette même Raison. Si donc l'outrage de la Raison, de l'Esprit est le fait de ceux-là mêmes qui prétendent en défendre la supériorité et l'universalité, ils en seraient les fossoyeurs, l'enseignement de la philosophie deviendrait chimérique, mensonger, comme la valeur ancienne et le prestige attachés à son discours dépouillésde toute noblesse, de toute légitimité. Alors les philosophes, figures de proue de la Raison, seraient des monstres et la philosophie une mystification, une mystique à l'Ecole de la thénatologie, de la mort. Requiem pour la philosophie ? Economie générale d'une imposture qui jure avec le cynisme le plus affreux ?

© Copyright 2013 Catarina Van Daele pour KODMEDIA. Reproduction interdite.

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