
Contribution de Grégoire Biyogo au débat politique au Gabon
1-Je voudrais m’exprimer sur un point important de la politique gabonaise : l’interdiction de l’Union Nationale par l’actuelle Majorité et les risques d’exclusion de l’opposition aux prochaines consultations législatives. Mais au préalable, je voudrais faire une précision. J’en débats sans parti pris, ne me réclamant d’aucun parti politique, mais en tant qu’analyste politique -politologue si l’on veut -, pour créer une discussion là où l’on n’échangeait plus, situation regrettable qui correspond à ce que l’on peut appeler la fin de la politique.
2-L’élection qui a porté au pouvoir l’actuelle majorité a été entachée d’irrégularités et de violences : elle n’a donc pas été démocratique, c’est quasiment un truisme que de le rappeler. Une analyse minutieuse de l’histoire politique du Gabon pourrait montrer au demeurant qu’elle a été la plus antidémocratique que le Gabon ait jamais connue, tout au moins au lieu où le décompte des voix est demeuré inachevé, et où les candidats de l’opposition ont été molestés.
3-Elle portait pourtant une promesse naïve : celle de la poursuite de l’œuvre de démocratisation dont s’était montré capable le Gabon sous le dernier Bongo (non pas Albert Bernard Bongo, ni Omar Bongo, encore anti-démocratiques, monopartistes, et autoritaires, mais Omar Bongo Ondimba), celui qui, suite à la poussée insurrectionnelle du peuple et des partis d’opposition, avait finalement renoncé à la monogouvernance du parti unique, l’homme d’après la Conférence Nationale, qui été démangé par le rêve de l’obtention d’un Grand Prix International de la Paix, et qui s’était investi dans la résolution des conflits frontaliers et sous-régionaux, souvent au détriment du redressement du niveau de vie du plus grand nombre de ses Concitoyens.
C’était l’erreur congénitale de son volontarisme diplomatique sous-régional. Mais on lui reconnaîtra une envergure d’homme d’Etat et de stratège que seuls les pères fondateurs et les visionnaires de la politique africaine ont eue. C’est qu’il a renversé les rapports de domination entre la France et les anciens pays colonisés, notamment ici le Gabon. En surjouant le pouvoir financier qu’offre l’Empire pétrolier du Gabon, il a créé un rapport de vassalité infligé aux anciens Maîtres comme dans la dialectique hégélienne du Maître et de l’esclave, où celui-ci finit par prendre la place du Maître.
C’est lui qui était devenu le véritable Maître du jeu politique sous-régional et qui, plus osé, désignait les Premiers-ministres et les Ministres de France, choisissait ou révoquait les hommes de mains à sa convenance, celui aussi qui finançait les leaders de la vie politique française tous azimuts (pour le plus grand Mal du Gabon, qui en a payé la lourde addition), et donc celui qui tenait la Bourse et les tenait sous sa dépendance et son contrôle ironiques.
4-Et précisément cela qui a fini par agacer les puissants incriminés dans le piège de l’Argent sale et qui allait le perdre, tant il était devenu trop dangereux pour les anciens Maîtres, trop de secrets étaient dans ses Mémoires qu’il colportait et s’était promis de consigner – dont on ignore au demeurant ce qu’ils sont devenus à ce jour… Ces Mémoires noirs qui auraient fait trembler la Terre entière si jamais ils avaient été publiés…Et auraient été le plus grand Best Sellers de l’Histoire politique du XXI è siècle, qui tétaniseraient les « grands » de ce monde, et il n’est pas jusqu’à la noble République elle-même qui n’eût été mortellement éclaboussé, tant le témoignage de la soumission financière les aurait exposés et révélé les actes de vassalité secrète et nocturne dont ils s’étaient montrés coupables…
Et cela depuis l’Ange De Gaulle lui-même jusqu’au théoricien d’une Françafrique décomplexée… C’eût été d’autant plus cataclysmique que le monarque avait par devers lui une connaissance érudite des faiblesses côté Cour et Côté jardin, avec en prime une documentation audio-visuelle qui confortait la preuve de ces indiscrétions fatales et de la soumission vassale. Sa mort curieuse et la guerre atroce qu’on devait lui livrer au soir de sa vie auront été une solution bien injuste et lâche, eu égard aux sommes faramineuses concédées à ceux-là mêmes qui devaient le combattre de la sorte. En tout cas, sa mort a été une occasion inespérée d’enterrer la vassalité rendue au monarque nègre insoumis. Sauvetage pour beaucoup, s’il en fut, mais sait-on jamais ?. Peut-être que quelque hasard comme au sujet des sables d’Egypte a-t-il glané des éléments d’informations de ces Mémoires où se bousculent folies et cadavres ?
5- L’accession d’Ali Bongo au pouvoir a été contestée avant sa validation par l’instance suprême en la matière : la Cour constitutionnelle. Ainsi donc, légalistes, légitimistes et libertaires ont-ils constaté que là où le droit n’avait pas été dit, la Cour a enjoint de le dire, outrepassant toute légitimité, et rendant néanmoins la légalité au pouvoir indu. Au sujet d’Ali Bongo, l’Histoire enseigne qu’un Chef d’Etat peut prendre le pouvoir par la force et impulser par la suite un avenir politique radieux dans son pays lorsqu’il en a la vision.
Les exemples sont légion, où des militaires ont usé de putschs pour accéder à la magistrature suprême et relevé par la suite leur pays. L’exemple de Thomas Sankara est édifiant à cet effet. La QUESTION centrale au sujet du Gabon, est celle de savoir si Ali Bongo, qui avait l’avantage d’être parvenu au pouvoir par un acte d’audace, fût-il éminemment antidémocratique, et mené avec la force conférée par une Armée qui s’est montrée par plusieurs points antirépublicaine et ses Amis extérieurs, peut réformer le pays et lui impulser l’orientation économique dont il se réclame sous le vocable de « l’émergence » ?
6-Dans le cadre actuel de cette vision, cinq obstacles se dressent devant lui, rigides et fatidiques : la tentation antidémocratique à outrance de sa mono-gouvernance avec une tendance au militarisme (I), la division ethnique odieuse stigmatisant un seul et même groupe qui, lorsque l’on regarde objectivement, n’a pourtant pas eu tort de crier au parjure antidémocratique ; groupe qui, au demeurant, reste mathématiquement parlant, la clef de l’équation électorale au Gabon, comme les Noirs en Afrique du Sud, même si l’on ne devait jamais se décider à en éclairer l’effectif démographique réel (II).
Le troisième obstacle, c’est le népotisme et la lourdeur de la machine pédégiste qui défavorisent la culture du mérite au profit des critères partisans et bio-politiques de promotion sociale, et paupérisent l’Etat (III). Le pénultième obstacle est l’idéologisation d’un projet économique performant ailleurs, mais qui reste encore épars, diffus, mal assimilé, et dont la rigueur de la doctrine elle-même est terriblement insoupçonnée des laudateurs et des sectateurs de l’émergence (IV). Enfin, le déficit social, soldé par le Mal-développement du pays, l’absence de ciblage des priorités qui permettent de lutter contre la misère, le chômage, l’absence d’infrastructures directes, et les inégalités sociales au profit d’un petit cercle de privilégiés. Il y a dans ces Maux, on peut le concéder, l’héritage du pédégisme qu’il importe de solder, de liquider.
7-Ainsi, rien n’interdit à Ali Bongo de s’engager à faire basculer progressivement ces cinq obstacles ataviques qui minent le Gabon, même si cela demande le courage de rompre avec les lourdeurs d’un système qui échoué au plan économique et social, et dont le Mal-développement est inexcusable . Il a la hardiesse de la jeunesse et une vision économique qui demande à être restructurée et recadrée par les experts. Mais en aura-t-il la volonté et le pouvoir, qui a commencé à se faire ratttraper par les pesanteurs du parti dominant comme son père naguère ?
8-Son combat immédiat pour le Gabon, c’est de s’inventer cette volonté et de se libérer du côté égoïste et obsolète du pédégisme traditionnel qui a fini par se convaincre qu’il gouvernerait sans interruption de 1968 à la fin des temps… Utopie qui a fait les frais du père fondateur lui-même, en l’empêchant de réaliser les grandes réformes économiques d’un pays pétrolier, en noyant le projet de construction des Milliards offerts à de Concitoyens trop occupés à la thésaurisation… à l’enrichissement illicite, empêchant et refusant durablement la possibilité de l’augmentation du SMIC. Piège dans lequel est tombé l’actuel Chef lui-même.
9-Il lui faudra aussi relativiser l’ouverture anarchique du pays vers une espèce de co-gouvernance tournée avec l’Extérieur du pays, laquelle est refusée au pays lui-même, tant l’essence de la modernité politique consiste dans la co-gouvernance et la co-gestion avec les concitoyens. Cette façon de faire ne profite pas aux Citoyens démunis et à un pays
classé par IDH au rang des plus pauvres de la planète. Tout panafricaniste et humaniste diopien que je suis, je conçois que l’on puisse responsabiliser d’abord les Nationaux au niveau des Etats oùnous sommes encore – ce qui est différent dans la perspective fédéraliste – , en s’associant ensuite les compétences de l’Extérieur en cas de nécessité. La solution ici est alors de naturaliser ces Citoyens venus de l’Extérieur afin qu’ils travaillent pour les intérêts du pays d’Accueil, en termes d’investissement et d’adhésion au système bancaire, contre cette fuite anarchique des Capitaux, qui défie le principe de régulation de toute barrière douanière.
10-Or, ne sollicitant ni l’expertise scientifique véritable des forces universitaires et des compétences locales différentes pour renforceraient celles déjà connues, et ne se donnant aucune ambition démocratique consistant à construire avec les partis d’opposition et les syndicats et la société civile – si dynamique au Gabon et si habitée par une expertise avérée – le projet démocratique à travers une discussion différentielle et contradictoire avec l’ensemble des formations politiques, tous bords confondus, Ne renonçant pas encore définitivement à la ligne de l’enrichissement illicite et de l’impunité subséquente, le pouvoir actuel pourrait compromettre les chances de la Réforme escomptée et se condamner à répéter les erreurs du passé : mal-développement, paupérisation à outrance du petit peuple, chômage des diplômés, Dette galopante, absence de couverture sociale.
11- Dans ce contexte actuel de la nécessité de la décrispation de la vie politique et économique pour instruire la Réforme économique de « l’émergence », l’interdiction de l’UN et le risque d’exclusion – directe ou indirecte – de l’opposition à la prochaine consultation législative sont une erreur politique qu’il convient de rectifier au plus vite, pour ouvrir le pays vers des attentes qui sont à la hauteur de ses potentialités économiques et des défis économiques du Gabon.
12-Ali Bongo, pour parvenir à cela, doit porter le fardeau des véritables réformateurs, et avoir le courage de revenir sur une décision qui ne s’imposait ni dans sa forme ni dans son contenu, étant entendu qu’elle est faite d’amalgames, de dévoiements juridiques, avec pour couronnement la confusion du parti et de ses dirigeants politiques. C’est avec son compatriote et frère civil qu’il a à se réconcilier en marge de la politique, car ils se réclament du même héritage bongoïste et ne semblent pas présenter des doctrines opposées.
Le dialogue des concitoyens, doublés de frères, auraient encore pensé
les politologues, jusqu’à la veille, n’était-il plus dans la logique des « héritiers du bongoïsme » ? Lequel invitait à débattre avec ses adversaires politiques, lorsque de surcroît un contentieux électoral était demeuré sans suite, jusqu’au consensus ? L’héritage aurait-il donc été bradé et liquidé dans les rangs des deux frères successeurs ?
13-Pour autant, lorsqu’on a été fait Chef – plus encore sous condition de contentieux électoral irrésolu -, lorsqu’on règne et que l’on est devenu par la suite Chef d’Etat, comme le conseille l’Artiste Mvett dans l’étonnant et généreux tube « Cinquantenaire », on l’est devenu pour tous et l’on a le devoir de concilier dans ses rangs, de fédérer, on négocie le dialogue et la paix sociale pour solder les contentieux, qui sont des obstacles à la pacification du tissu économique, politique et social. Où est donc l’héritage de « Bongo père » dont le pédégisme s’est réclamé à « cor et à cri » hier et qui imprime jusqu’à sa devise ? Après le décès de la Bête politique et du despote éclairé, aurait-on si vite tourné la page à ce dogme tripartitionnel, sans doute démagogique néanmoins efficace et dissuasif, du dialogue, de la tolérance et de la paix ? L’aurait-on sacrifié à l’autel de la Monogouvernance frileuse, nouvelle rengaine du Même sans variation ?
14-Or, on ne gouverne jamais seul, mais toujours avec ses adversaires politiques. L’Etat moderne, sans adversaires politiques, n’existe pas. Il y a dans le geste de cette épuration l’autre erreur monumentale que de vouloir dépouiller la politique de la contradiction. C’est toujours avec l’opposition, les syndicats et la société civile que l’on gouverne aujourd’hui, dans la perspective à la fois de mettre en œuvre le « vivre-ensemble » et le fairplay avec lequel on admet le principe d’une alternance, qui régule l’Etat démocratique et d’une co-gouvernance qui dé-sectarise la gouvernance.
15-C’est pour cela qu’il importe de convaincre les électeurs, de les rassurer, de mettre un terme à la peur, à la Terreur, à la misère, au musellement, pour permettre à tous de contribuer aux réformes utiles et susceptibles d’améliorer les conditions de vie des Citoyens, et pour bénéficier de leur légitimité, fût-elle post mortem. L’essentiel étant d’être soutenu à nouveau par le peuple lorsque celui-ci vient à constater qu’il y a une amélioration de son pouvoir d’achat, de ses salaires, de ses conditions de vie.
16-Il est vrai que la perspective d’une défaite législative de l’actuelle majorité est pensée comme une démonie, et tétanise les hiérarques du PDG, qui ne l’ont jamais admise comme hypothèse vraisemblable au
moins depuis 1968. La sociologie politique a fait le constat de la stagnation au sujet du renouvellement de ses élites. Or, l’admettre permet précisément de se donner l’occasion de convaincre, de travailler, de se montrer bon joueurs, coopératifs et attractifs, ayant depuis plus de 43 ans toutes les cartes en main. Ou à défaut, de s’y préparer. Car, ces pédégistes ont aussi en leur sein des réformateurs étouffés par la les lourdeurs du système. Or aucun système ne se renouvelle de l’intérieur sans rompre avec ses propres lourdeurs, ses propres réflexes de stagnation.
17-Négocier en politique, ce n’est ni se rabaisser pas plus que convaincre n’est vaincre, mais échanger rationnellement, confronter ses idées avec les autres, viser une entente minimale sans cesse possible, proposer en tenant compte de l’existence et des avis des autres, c’est aussi admettre le principe que l’on puisse se tromper, et prendre le courage de revenir sur ses erreurs en adoptant des positions jugées plus équilibrées. La politique comme l’économie en contexte de mondialisation sont devenues des chantiers incessants de négociation. L’économie-monde est affaire de négociation autant que de concessions raisonnables.
En dehors de ces deux topiques, la politique et l’économie sont introuvables. L’émergence, en tant que doctrine économique et politique n’y échappe pas. Ou elle négociera et s’accomplira ou elle se fermera sur elle-même et en compromettra les chances de son succès. Les théoriciens nostalgiques de l’Etat centralisateur et fort ne sont pas de notre époque : la force de l’Etat est dans sa capacité à proposer des réponses adaptées à la crise qui bat les marchés.
18-Le jeu politique est un jeu avec l’instable, il faut le canaliser pour ne pas perdre définitivement l’équilibre pour n’avoir pas toléré le principe de contradiction d’un côté, et pour avoir ignoré l’ensemble des composantes de la chose publique comme la chance que l’on a soi-même d’impulser un contre-système. C’est en cela que le penseur Popper me semble être un modèle pour la modernité politique, lui qui a montré que nos erreurs étaient nos chances, et qu’elles nous amenaient toujours plus loin, pour devenir plus tolérants, plus compétitifs, et gouverner en nous améliorant, grâce aux erreurs qui nous sont signalées.
Ces erreurs ne seront pas signalées au sein de la majorité, mais dans les rangs de l’opposition, des syndicats, de la société civile, qui au Gabon a eu l’avantage de poser la nouvelle écologie politique de la Gouvernance : adapter l’économie à la préservation de l’environnement
et des générations futures. Une réflexion large est à mener au Gabon sur cette question, pour faire de l’économie forestière, le secteur phare de l’Après-pétrole. Mais on ne débat qu’avec les autres, on ne gouverne jamais qu’avec les adversaires.
19-Certes Machiavel conseille-t-il aux souverains d’être davantage craints plutôt que d’être admirés, mais cette philosophie politique est révolue autant que l’époque des monarques sanguinaires ! La véritable leçon est à chercher dans le falsificationnisme politique : co-gouverner avec ses adversaires, cogérer le pays avec l’élite où qu’elle soit, pour entreprendre des réformes économiques et démocratiques quantitatives et irréversibles. La décrispation du champ politique gabonais s’impose comme un impératif dans l’horizon immédiat. Nul ne peut se satisfaire de la situation actuelle où l’opposition et l’ensemble des acteurs de la chose publique sont comme exclus du jeu politique si ce n’est dans l’état de nature.
20-Ce sont les urnes qui confèrent la légitimité en politique, lorsque cette légitimité n’a pas été obtenue par une formation X, on ne peut logiquement s’offusquer de ce que ceux de la formation Y qui eux l’ont obtenue sans pouvoir l’exercer la revendiquent à un moment ou à un autre, et espèrent de ceux qui l’ont niée une solution raisonnable d’une part, et d’autre part, l’on ne doit pas davantage user de la force à cela ou de la Dramatisation, pour autant qu’une telle situation ait connu des précédents au Gabon, qui aient toujours donné droit à un bien meilleur règlement interne. La Conférence Nationale comme les Accords de Paris, attestent de cette tradition d’ouverture.
On ne doit pas s’étonner d’une telle revendication et prétendre que son outrage viendrait de ce qu’elle ait été tardive ou qu’elle ait outrepassé la Loi ! La violence a l’inconvénient de ne savoir engendrer que la violence, la monogouvernance engendre l’exclusion arbitraire et ne garantit pas la viabilité de l’Etat de droit. L’Etat de droit suppose que l’on mette de côté le principe de l’exercice de la force, et que l’on débatte, que l’on gouverne selon la tradition de la négociation républicaine. Car, face à une crise larvée, il faut pouvoir aller au-delà des solutions conventionnelles : et user de la Volonté politique, laquelle doit être moins rigide, moins autoritariste, attentive au vivre-ensemble, au court, au moyen, et plus encore au long terme.
21-Or, nul besoin d’être politologue pour comprendre qu’un crise ignorée, non négociée finit par rattraper ceux qui ainsi l’ont esquivée. L’avenir politique du Gabon a été tracé depuis la Conférence Nationale,
sous le signe d’une démocratie apaisée avec l’APPEL A LA PAIX DES BRAVES du grand juriste qui naguère avait déjà bravé les exactions du parti unique, lors du procès historique contre des membres du MORENA, premiers de la démocratie gabonaise du lendemain des indépendances, Maître Agondjo Okawé, relayée dans les rangs de l’Académie par des articles éclairants et lucides, risqués par l’agrégé de droit fait ministre, lorsque l’on se serait attendu à ce que la classe des enseignants, des analystes politiques et des Citoyens éclairés de tous bords fût moins prompte au silence, à la peur de lire l’événement politique au Gabon, réflex souvent inséparables de l’autocensure et de l’auto-servitude. Sans doute il y a-t-il des risques de représailles que l’on court en situation de mono-gouvernance, mais c’est notre lot à tous, y compris l’auteur de ces lignes qui, bien que dé-salarié, n’en a pas moins à cœur de recommander d’échanger… Car, c’est avec son sang qu’on écrit (Nietzsche), c’est de la négociation et de l’analyse critique et responsable que l’avenir surgira et que sera préservé le « vivre-ensemble », essence de la Cité.
22-La monogouvernance doit être rectifiée pour éviter de dévoyer la tradition d’échange qui a longtemps fait du Gabon une référence en matière de démocratie apaisée, avec l’exercice des libertés d’expression, liberté de presse, liberté d’opinion, liberté de pensée, liberté d’exercer politiquement, liberté de grève, y compris celle de la faim… Est-on certain d’y gagner au change en occultant ces libertés fondamentales ? La monogouvernance doit être récusée pour que l’émergence elle-même se donne les chances du « vivre-ensemble ».
23-Il est toujours temps de dire « non » à toute forme d’erreurs ou de dérives incontrôlées qui créent la marche aveugle de l’Histoire. Et l’on peut à tout moment décider de mettre fin à sujétion de l’incommunication et de la non-négociation des passifs républicains. Les grands peuples et les grands hommes d’Etat sont ceux qui savent tendre la main à leurs adversaires pour éviter la surdité des institutions et sauver le monde de la clôture du politique. Je veux oser croire au sujet de l’actuelle Majorité, que la leçon de la « Paix des braves » se fera entendre dans ses rangs pour que, comme le Phénix naguère en Egypte, renaissant toujours de ses cendres, la République se réconcilie avec elle-même et avec les traditions récentes qui en ont sculpté le corps.
(*): Philosophe, politologue et égyptologue, Lauréat de la Sorbonne, professeur Habilité. Auteur de plusieurs ouvrages dont « Omar Bongo Ondimba l’insoumis ? » et « Déconstruire les Accords de coopération
franco-africains » (Harmattan, 2011), une Histoire de la philosophie en 4 volumes…
