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REPONSE AUX TROIS POINTS DE Wadjie BOGNE,

Par Grégoire BIYOGO. par Grégoire Biyogo, jeudi 27 octobre 2011, 05:57.

Préambule​​

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Tout d’abord, rien ne me disposait à échanger avec les afrocentristes pas plus qu’avec M. Kaya, lui aussi afrocentriste, qui ont engagé une discussion avec moi, je n’ai donc fait que répondre. Observons que M. Wadjie Bogne se propose de me faire une « réponse », sans que je lui aie adressé expressément un texte. Je me prêterai toutefois volontiers au jeu des échanges, dans le souci de clarifier nos positions, nos différences et par pure courtoisie, d’autant plus que son ton me semble resté attaché au principe de respect dans les discussions. Je fais partie de l’Ecole diopienne du centre – et non diopien de droite comme les caciques et dogmatiques supposés être garants de l’orthodoxie de l’héritage et de l’œuvre, ni diopien de gauche comme les pseudo-gardiens de l’authenticité de la pensée sans la renouveler, mais diopien du centre attaché à actualiser et à revisiter l’œuvre du Maître à l’aune des révolutions scientifiques et épistémolologiques. Selon cette Ecole, nos désaccords et nos controverses doivent être clarifiés pour que nous puissions nous comprendre, sans nécessairement nous accorder sur tous les points, mais dans l’élucidation rationnelle de nos désaccords. Car la clarification des désaccords est plus précieuse que de s’accorder, si du moins elle est argumentée, méthodique et documentée. Je m’y essaierai en 21 points.

 

 

1- La première difficulté outre celle déjà signalée, est d’ordre logique et méthodologique, elle est redondante chez nos afrocentristes : il y a ici un vrai problème entre l’énoncé et la déduction, laquelle est souvent fausse, excessive, disproportionnée ou simplement incohérente. Prenons un exemple précis. Monsieur Bogne présente une « réponse » qui, de prime abord, paraît structurée en trois points, qui marqueraient nos différences de vue. Sans avoir cité l’un de nos 40 titres, ni un seul de nos articles, il n’en établit pas moins que nous ignorerions la critique des Religions du Livre qu’aurait formulée Diop ! La rigueur eût voulu qu’il discutât en citant nos textes référenciés.

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2- Passons la lacune méthodologique, pour aller au contenu de sa première objection qui soutient que Diop a fait la critique des Livres révélés et défendu les Religions ancestrales. La réponse est donnée par Cheikh Anta Diop lui-même dans ALERTE SOUS LES TROPIQUES et dans l’intégralité de son œuvre :

 

« Le Nègre ignore que ses ancêtres, qui se sont adaptés aux conditions matérielles de la vallée du Nil, sont les plus anciens guides de l'humanité dans la voie de la civilisation ; que ce sont eux qui ont créé les Arts, la Religion (en particulier le monothéisme)... ...etc, à une époque où le reste de la Terre (Asie, Europe : Grèce, Rome...) était plongée dans la barbarie ».

 

Si donc on examine cette première Citation, on y lit parfaitement que Diop rappelle aux Africains – aux Nègres – qu’ils sont les inventeurs du monothéisme. Or cette position est précisément la mienne, celle que je défends dans mes ouvrages et au sein du MAP. Le plus incohérent, est que vous l’ayez mentionnée pour expliquer tout le contraire de ce que Cheikh Anta Diop dit. Il invite les Africains à ne pas avoir de complexe à s’approprier ces Religions, parce que ce sont les leurs, ce sont leurs ancêtres les égyptiens qui en ont été les premiers théoriciens et les visionnaires. Je suis allé plus loin. Et j’ai établi que Moïse était un disciple d’Akhenaton, le père historique du monothéisme solaire, et qu’il a tiré le monothéisme judaïque du monothéisme amarnien. Et bien des égyptologues partagent cela avec moi. Donc, sur ce premier point, vous tirez par hasard une citation, laquelle se retourne contre vous, parce qu’elle conforte ce que je dis, et contredit vos propos.

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3- Dans la seconde Citation, Monsieur Bogne, vous et tous les Afrocentristes commettez un contresens flagrant en interprétant faussement l’idée diopienne de Religion ancestrale. En effet, lorsque Diop parle de nos ancêtres, il s’agit des Kémits d’Egypte, et lorsqu’il parle de la Religion ancestrale, il parle précisément de monothéisme égyptien et non d’autre chose :

 

« Il est raisonnable de penser qu’un gouvernement fédéral africain donnera des armes égales aux tenants de la religion ancestrale »

 

C’est donc en s’inspirant de ce monothéisme-là, que l’Afrique se réappropriera la voie de ses Ancêtres. Le contresens des Afrocentristes est d’avoir compris par là qu’il fallait abandonner le monothéisme et retourner aux croyances des Ancêtres.

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4- Sur cette question précise, ma position est celle-ci : que je partage en l’espèce avec Kwame Nkrumah, qu’il conviendra de prendre acte de toutes les Religions monothéistes, de la Religion monothéiste solaire, elle-même inspiratrice de la Religion initiatique et solaire africaine dans l’Etat fédéral, pour autant qu’il en soit ainsi dans l’effectivité, sans idée de contrainte.

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5- Le point 2 de M. Bogne est tout aussi incohérent que le premier. Il est question de soutenir que l’origine africaine des Religions du Livre n’empêche pas leur caractère nocif à l’égard de l’Afrique.

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6- Là aussi il y a amalgame entre les définitions, les contenus et les usages. Nous n’excusons nullement les crimes dont ce sont montrés coupables les tenants des Religions du Livre (Soutien de l’Apartheid par les tenants du Judaïsme, Traite négrière arabo-musulmane (13 siècles), Traite négrière christiano-transatlantique (5 siècles).

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7- Mais encore une fois, ces actes odieux, crimes contre l’humanité, qui restent encore impunis, non qualifiés juridiquement et non réparés, sont les faits de l’instrumentalisation de la Religion et de la négrophobie, de la criminalo-négrophobie. Mais n’enlève pas l’idée de la Révélation contenue dans ces Livres qui, encore une fois sont le fait des propagateurs et de prophètes ayant partie liée à l’Afrique.

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8- Il y a d’abord le Kémit Akhenaton, père historique du monothéisme.

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9- Puis Moïse tenu par les égyptologues, y compris par Freud comme Kémit, disciple d’Akhenaton. Il a été formellement établi que son nom (Moshe) n’a aucune racine hébraïque, mais plutôt kémit, il prend deux femmes, chaque fois des femmes Kémites, et il grandit sous la Cour du Fara sans qu’il soit un tant soit peu apparu comme étranger aux Kémits, ni même aux yeux du Fara jusqu’à ce que celui-ci selon l’Ancien Testament, en soit venu à apprendre ses origines hébraïques. Est-ce parce que Phéniciens et Kémits étaient alors identiques génétiquement ?

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10- Au sujet de Jésus, nous apprenons toujours par l’égyptologie que sa Mère était une égyptienne dénommée « Maria », et que l’Exil en Egypte de la Sainte Famille – en pays Kémit – ne s’explique que par cette ascendance Kémit.

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11- Mohammed qui lui aussi été exilé en Egypte a une Mère Kémite. Et pour second Bilal.

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12- En somme Moïse sort d’Egypte, Jésus s’y est rendu lors de son Exil, Mohammed aussi. Tous les trois sont sinon des Kémits du moins en sont apparentés génétiquement.

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13- Mais il y a plus important les idées de ces trois Religions dites du Livre sont Kémites. J’y reviens dans mon article sur la question, qu’on peut trouver dans mes Articles sur Facebook.

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14- Ainsi donc, l’idée révolutionnaire, c’est de traduire ces Livres, en en donnant une compréhension et une relecture africaines. En nous les réappropriant. C’est cela que Diop a dit, et pas autre chose, car ce sont nos Livres. De les repenser selon cette étiologie égypto-nubienne. Rappelons que des Lévites Noirs sont en Ethiopie (Falasha), qui continuent de veiller sur l’Arche.

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15- Par conséquent ne point entendre cet enjeu est faire preuve de peu de vigilance.

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16- Enfin, le dernier point de M. Bogne, est une question privée, ad hominem, puisque la Religion et les croyances philosophiques sont du domaine du privé, qui veut savoir si le professeur Biyogo est dans les loges occidentales.

Je vais y répondre sans ambages, pour mes amis et compagnons de route du MAP et pour tous, afin de clarifier ce point une fois pour toutes. Je n’ai jamais fait partie d’aucune loge, parce qu’elles comportent vis-à-vis de l’Afrique une philosophie politique qui participe du contrôle et par conséquent de l’exclusion économique et politique de l’Afrique. Et j’avoue encore ne pas comprendre comment des cercles éclairés servent les causes économiques acquises à la domination de l’Afrique plutôt qu’ils ne pratiquent la Lumière de la Maât : la justice et la vérité universelle ? Voilà, cher Monsieur Bodjie Borne, la réponse à vos trois points ? SANS LANGUE DE BOIS. Vos deux premiers points me semblent faux, votre troisième point révèle ma tradition de pensée politique et scientifique diopienne.

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17- Maintenant, je vous avertis, je vais préparer plusieurs objections contre l’afrocentrisité, préparez-vous sérieusement, et recourez à l’Ecole. Je montrerais en multipliant les exemples que Cheikh Anta Diop qui a combattu pour une pratique maâtique de la science, « sans coordonnée ethnique » (Civilisation ou barbarie, 1981, dernière page) épousé une française, juive, et qui avait une grande proximité avec le Mouridisme ne pouvait pas être Afrocentriste, et que l’association de son nom avec cette doctrine est contre-nature, et à la vérité, une usurpation. Peut-être Thophile Obenga est-il afrocentriste ? Mais certainement pas Cheikh Anta Diop. Je préfère répéter que je réfuterai le culturalisme, l’anti-réalisme économique, les équivoques conceptuelles, le déviationnisme et les confusions de la conception de la Renaissance africaine, et l’absence totale de compréhension de la pensée politique de Nkrumah et de Cheikh Anta Diop. Je serai strict, sévère et sans complaisance, mais toujours avec fairplay et probité intellectuelle. Je montrerai aussi que la lecture que les afrocentristes font de Diop est dogmatique, idéologique, faible, extérieure aux textes eux-mêmes, et donc révisionniste et falsificatrice.

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18- Et j’indiquerai quels sont les chemins de lecture à suivre pour sortir de cette impasse. Car, nous devons construire sur des bases claires, objectives, et pertinentes notre avenir commun pour qu’il ne soit plus subi, mais libre.

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19- Cet avenir sera ce que nous déciderons d’en faire nous-mêmes. Le Map que j’ai l’honneur de diriger, veillera à ce que cet avenir soit rationnellement bâti, méthodiquement pensé, rigoureusement évalué en s’inspirant des erreurs du passé.

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20- Car nos chances, ce sont nos erreurs, que nous excéderons, que nous ne répéterons plus. Santayana : « ceux qui ne peuvent se rappeler l’expérience du passé sont condamnés à la répéter. Nos erreurs sont notre baromètre pour inventer l’Etat fédéral : « Errata mathemata », nos erreurs sont nos chances.

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21- Les chaines de l’Histoire ne seront jamais plus sur l’Afrique, car nous les neutraliserons par la prudence ET PAR LA MESURE GEOMETRIQUE de nos pensées et par la SOUCI DE JUSTICE dans nos Actes. Pour cela, je vous remercie somme toute d’être venu le premier vers NOUS. Ma réaction, encore une fois, ne va point tarder.

Grégoire Biyogo, Philosophe, politologue, égyptologue. Directeur de l’Institut Cheikh Anta Diop (ICAD), Paris, 26/10/2011.

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